Après un long voyage, Mérédith arriva enfin à l’aéroport de Londres. Dans l’avion, elle s’était amusée à séduire un homme d’une quarantaine d’années, qui était littéralement tombé sous son charme, dès le premier sourire en coin qu’elle avait esquissé à son attention. Ils avaient parlé de tout et de rien, c’était un homme sympathique, dont le parfum attirait notre dame. Celle-ci avait fait beaucoup d’effort pour tenir la chandelle et en était très fatiguée. C’était pénible de faire semblant d’être gentille et parfaite tout comme il faut ! Le dénommé John l’accompagna jusque dans le hall de l’aéroport et s’apprêtait à la quitter en bonne et due forme.

*Oh non mon coco … j’en ai pas encore fini avec toi. J’ai tout de même pas fait tout ça pour rien, je le mérite mon repas.*

La belle fit jouer ses cils, et plongea son regard hypnotisant dans celui de son dîner, tout en affichant une moue boudeuse.

« Je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse, John, mais … Il se fait tard, il fait déjà nuit dehors et je ne connais pas bien Londres, contrairement à vous. Est-ce que ce serait trop déplacé de ma part que de vous demander de m’accompagner jusqu’à mon hôtel ? »

Les lèvres de John dessinèrent immédiatement un sourire satisfait face au sous-entendu de Mérédith. Cette dernière baissa les yeux et observa la délicate main qui reprenait les sacs posés au sol, elle ne put s’empêcher de remarquer l’anneau en or qui ornait son annulaire. Mérédith redressa la tête et son regard était empli de mépris, les hommes étaient définitivement tous pareils...
Lorsqu’ils furent arrivés dans une ruelle déserte et sombre de Londres, Mérédith lâcha son sac de voyage et prit le visage de John dans ses mains, les yeux plongés dans les siens. Elle s’approcha lentement de lui et l’embrassa, lui la prit dans ses bras. Puis elle se dégagea vivement de cette étreinte et s’écarta.

« Pardon, je n’aurais pas dû. Et vous non plus. C’était une erreur, une stupide erreur qui va vous coûter la vie, mon cher. »

L’air perplexe, John haussa les épaules pour signifier qu’il ne comprenait pas ce qu’elle disait et ouvrit la bouche. Mais il fût stoppé dans son élan, Mérédith posa délicatement un doigt sur ses lèvres et murmura « Chuut » avant de se saisir de sa nuque et de le mordre. Elle le vida quasiment de tout son sang, lui laissant un petit litre, histoire qu’il souffre autant que sa pauvre épouse qu’il avait honteusement trahie.

« C’est tout ce que tu mérites, petit abruti. » dit-elle avant de reprendre son sac l’air de rien et de s’éloigner.

[ …]

Quelques instants plus tard, Mérédith se trouvait devant un grand Manoir. Accueillie par deux immenses gargouilles elle entra, elle savait où elle se trouvait, l’antre des vampires qui partageaient la même opinion qu’elle. Elle traversa l’immense hall, qui était désert, à sa grande surprise et se dirigea vers la première porte, l’ouvrit et se retrouva dans le salon. Lui aussi était désert. La belle soupira, posa ses sacs sur un fauteuil et s’installa confortablement dans un sofa luxueux.

« Est-ce qu’il y a quelqu’un dans ce fichu manoir ? » cria-t-elle.

Quand soudain, la porte grinça …

L’eau martelait avec douceur mon dos, dégoulinait le long de mon visage, parcourait mon torse. Les paupières closes, j’avais toujours apprécié ce moment. Je ne pensais à rien. Pas de passé, pas de futur, seul l’instant présent. Vide de toutes émotions. Remarquez, cela ne changeait pas grand-chose de d’habitude. Je n’étais pas devenu le chef des Blood Studs en jouant au Vampire Sentimental, ça non. J’étais froid comme la pierre, et mon cœur était un organe qui servait uniquement à faire circuler mon sang glacial dans mon corps, je ne possédais aucune pitié, aucune.

Je fermai l’eau brulante et sortis de la douche presque à contre cœur. J’attrapai une serviette blanche, le temps de me sécher rapidement, puis l’enroulai autour de mes hanches le temps de traverser ma chambre pour m’habiller. Je choisis des habits sobres : jean noir, et chemise de la même couleur. Elégant. Mes cheveux, courts, étaient déjà secs. Je passai une main dedans pour me coiffer, enfilai des chaussettes et une paire de chaussure, puis descendis les immenses escaliers de marbre, traversant le manoir. Mon manoir. Celui que je dirigeai. J’étais le seul maître des lieux, les autres étaient obligés de m’obéir. Cependant, j’étais un bon chef, je le savais.

Des paroles exaspérées, à quelques pièces de moi, se firent entendre. Je tendis l’oreille et réfléchit une fraction de seconde. Tiens, un nouveau venu. Un ou une vampire pour être exact, vu l’odeur. De toutes façons, il ne pouvait pas en être autrement, car sinon, l’inconnu ne serait pas arrivé vivant jusqu’ici. Curieux de découvrir cette nouvelle tête, je poussai la porte et entrai. Je me positionnai devant le vampire qui se révélait être une jeune femme au teint pâle et aux longs cheveux noirs comme la nuit.

Sans doute voulait-elle faire parti des Blood Studs, vu ses sacs. Elle était seule, et donc, surement expérimentée. Je ne l’avais jamais vue auparavant. De toutes façons, âgée ou pas, elle devrait faire ses preuves auprès du clan, comme chacun avant elle, moi y compris lorsque je venais d’arriver. D’un ton neutre, je déclarai :

- A qui ais-je l’honneur ?

Quelques secondes plus tard, des pas se firent entendre dans le hall d’entrée et se rapprochèrent du grand salon, où Mérédith s’était installée. La porte s’ouvrit en grinçant, quelqu’un venait enfin l’accueillir. Sans prendre la peine de se retourner pour faire face à son interlocuteur, la jeune femme lâcha :

« Enfin ! Je commençais à m’impatienter ! » d’un ton abrupt.

Pour seule réponse, un homme lui demanda à qui il avait affaire. Mérédith se sentit offensée, quelle drôle de manière d’accueillir une hôte aussi importante et précieuse qu’elle. Enfin, elle n’était pas n’importe qui, tout de même. Elle tourna la tête et ses lèvres affichèrent un sourire moqueur. Détaillant l’homme qui lui faisait face d’un œil torve, elle se contenta de dire sur un ton qui se voulait calme.

« Je vous retourne la question. »

Elle décroisa les jambes et se leva, sa robe retombant gracieusement au sol et recouvrant ses talons aiguilles. Elle s’approcha lentement de cet homme odieux, mais élégant. Battant des cils, elle arriva devant lui, laissant tout de même une certaine distance entre eux deux et croisa les bras d’un air indigné.

« Je n’ai pas pour habitude de me présenter aussi abruptement. Dites moi qui vous êtes, et je vous dirai qui je suis. »

Elle affichait toujours ce petit sourire en coin, moqueur et hautain. La situation lui semblait comique, cet homme ne savait absolument à qui il avait à faire. Mérédith savait ce qu’elle voulait, c’était une femme déterminée, qui ne se pliait à aucune sorte d’autorité.

Ainsi c'était lui, le chef des Blood Studs de Londres ; Dominic Arkham devait être un personnage aussi imbu de sa personne que Mérédith l'était ; vu la manière dont il s'offensait du ton qu'employait la dame. Il semblait jeune, moins expérimenté qu'elle, aussi ne put-elle retenir un éclat de rire, qu'elle tenta tout de même d'étouffer, par politesse pour son hôte. Elle reprit ses esprits, plongea ses yeux dans le regard froid et ténébreux de Dominic, tout à fait consciente de l'effet que cela faisait à ses interlocuteurs, ça ne manquait jamais de les déstabiliser, un tant soit peu, au grand amusement de Mérédith.

« Mérédith Van Loch ; seule et unique chef de moi-même. » répondit-elle d'une voix doucereuse, calmement, un léger sourire sur les lèvres.

Ce sourire là ne se voulait pas moqueur, simplement séducteur. Mérédith savait ce qu'elle désirait, et sa réponse allait le faire comprendre au chef des Blood Studs ; elle voulait bien se rallier à leur cause, mais pas obéir comme un bon toutou à son maître aux ordres de quelqu'un qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Elle était indépendante et revendiquait sa liberté, elle qui s'était soumise à l'autorité des hommes durant toute son humanité, c'était bel et bien terminé, pour rien au monde elle ne recommencerait.

Si les Blood Studs refusaient son aide, tant pis, elle regagnerait ses pénates, ça ne changeait pas grand chose au court de sa "vie". Cette petite guerre à Londres la distrayait follement et elle avait envie d'y participer, juste pour s'amuser. Le pourquoi du comment, elle s'en fichait. Elle était seulement d'accord avec les Blood Studs sur le fait que les lycanthropes étaient des créatures abjectes et qu'il ne fallait pas qu'ils se mêlent aux vampires, race supérieure à la leur. Ils les souilleraient en faisant cela...

La menace de Dominic n'avait eu aucun effet sur Mérédith, qui ne le craignait absolument pas ; au plus profond de lui-même, il savait qu'il devait rassembler le plus d'alliés qu'il est possible, et tant pis s'il ne les appréciait pas. Mais Mérédith ne se soumettrait pas à lui, ni à personne d'autre.

« Je n'ai pas l'intention de vous servir d'esclave mon cher ; simplement de vous apporter mon aide. Si vous n'en voulez pas, dites-le moi et je partirai, sans faire d'histoire. » rajouta-t-elle, toujours aussi sereine.

Elle croisa les bras, ne quittant pas Dominic des yeux, attendant sa réponse.

Je perçus le rire qu’étouffa Mérédith. Décidément, cette femme devait apprendre les notions de respect, au moins envers son chef – notamment moi - si, à long terme, elle ne voulait pas s’attirer mes foudres. Il était rare de m’énerver, m’énerver vraiment. Mais dans ces moments là, il valait mieux se mettre à l’abri. Vampire ou lycanthrope, puissant ou pas. Je ne pris pas la peine de me répéter (je ne le faisais jamais), elle m’avait bien entendue et était maintenant prévenue.

Je ne souhaitais pas qu’elle me serve d’esclave, non, pour ça, il y avait un certain nombre d’humains qui, à force, avaient perdus leur propre personnalité. Je pris un ton plus « sympathique » que celui que j’avais employé auparavant, et déclarai :

- Me servir d’esclave ? Loin de moi une telle idée.

Cependant, j’étais le chef, et les autres avaient le devoir d’obéir. Je n’étais pas un idiot et, si parfois mes ordres ne plaisaient pas forcément, ils restaient effectuables. Je réfléchis un instant. Par déduction, la nouvelle venue était âgée. Expérimentée donc. J’étais curieux de savoir l’âge qu’elle pouvait avoir, mais le moment n’était peut-être pas le plus approprié. Ces derniers temps, les Blood-Studs avaient essuyé pas mal de pertes. Pas forcément en nombre, mais chez ceux qui savaient se battre. Le salon où nous étions comptait parmi les endroits les plus fréquentés, aussi, un vampire le traversa quelques dizaines de secondes après que je pris la parole. Il me salua, et moi, je l’arrêtai :

- Bonjour John. Attends deux minutes ici s’il te plait.

Mon attention revint sur Mérédith. J’avais là un adversaire plutôt doué, sans pour autant être le meilleur de mes « hommes ». Parfait pour un exemple. Plutôt gentiment, je lui demandai :

- Pourriez-vous me montrer de quoi vous êtes capable ?

Elle n’avait pas l’air idiote. Elle comprendrait donc que je ne lui demandait pas de tuer ce pauvre John, simplement de l’attaquer avec suffisamment de technique pour que je puisse me faire une idée de ses compétences. De toutes manières, avec mes cinq siècles d’expérience, je pourrais la stopper si la situation se corsait. D’abord verbalement, et si elle n’obéissait pas, par la force… Si une telle chose avait à se présenter, la jeune femme avait intérêt à savoir courir vite…